Lever le tabou !
13 mai 2009Instrument politique millénaire et universel d’abrutissement des masses, le sport est aussi une industrie et un marché juteux. Il n’est pas nécessaire de chercher plus loin les raisons du tabou qui pèse sur une vérité pourtant criante : le sport est néfaste à la santé, pourvoyeur d’innombrables traumatismes, maladies et accidents qui vont de l’entorse bénigne à la mort subite. Le lobby sportif infiltre tous les milieux sociaux : politique, médiatique, éducatif mais aussi hélas ! médical, étouffant la diffusion de toute information susceptible de mettre en lumière les effets délétères de ces pratiques sur la santé.
Dans aucun autre domaine que celui du sport, une proportion si importante d’accidents et d’effets indésirables ne serait admise. Alors que la morbidité en matière de risques industriels, environnementaux ou alimentaires, d’accidents du travail, des transports ou de la vie domestique, ou de consommations addictives (drogues, tabac, alcool) fait l’objet de nombreuses actions de prévention et d’information, celle liée au sport tombe sous le coup de l’omerta, ou est – au mieux – considérée comme une fatalité ou un mal nécessaire.
Le corps médical porte une responsabilité particulièrement lourde dans l’entretien de ce tabou, alors qu’il est le mieux placé pour constater au quotidien les ravages du sport sur les organismes. Tandis que l’éthique la plus élémentaire devrait le conduire à les dénoncer et à détourner jeunes et adultes de ces pratiques à risque, au même titre qu’on le fait pour les autres comportements nuisibles ou addictifs, il contribue au contraire à les encourager. C’est qu’un nombre important de professionnels tirent directement profit des effets dévastateurs de la pratique sportive sur la santé : médecins dits « du sport » ou exerçant dans les lieux de villégiature sportive, orthopédistes, radiologues, kinésithérapeutes et rééducateurs… leur doivent une part significative voire, pour certains, prépondérante de leur activité et de leurs revenus.
Le mythe du sport « bon pour la santé », méthodiquement entretenu avec la complicité d’une partie du corps médical, repose sur la confusion aussi grossière que malheureusement efficace entre activité physique et sport, celui-ci étant présenté – à tort – comme le seul remède possible à la sédentarité. Le bénéfice attribué au sport, notamment dans la prévention des maladies cardio-vasculaires, n’est qu’un artifice statistique consistant à imputer à l’absence de pratique sportive le surpoids ou les désordres métaboliques fréquemment associés à la sédentarité. En réalité, le risque cardio-vasculaire d’un sujet non sportif mais de poids normal, ne présentant pas de troubles métaboliques, non hypertendu et non fumeur est inférieur à celui d’un sportif du même âge.
Car le sport consiste par définition à outrepasser les limites physiologiques et, par conséquent, à exposer l’organisme à des accidents brutaux ou à une usure prématurée. Que la cause en soit l’inexpérience, l’insuffisance technique ou de la mise en condition qui affectent volontiers les sportifs amateurs ou occasionnels, qu’il s’agisse de l’esprit de compétition, de la recherche à tout prix de la performance ou, plus trivialement, de l’appât du gain qui conduisent les sportifs professionnels ou de haut niveau (mais aussi, parfois, les autres) au surmenage et à la surenchère, passant de plus en plus souvent par le dopage ou l’addiction, les résultats négatifs sur la santé sont identiques.
La véritable médecine du sport consiste à en dissuader les adeptes et à en prévenir les dommages, tant physiques que mentaux, par une information loyale et courageuse, dût-elle affronter les préjugés et les intérêts puissants qui s’y opposent et porter atteinte à la recherche du plaisir ou du profit.
Quant aux pouvoirs publics et aux gestionnaires de l’assurance maladie, si prompts à dénoncer les « gaspillages » qui affecteraient le système de santé, ils seraient bien inspirés de s’intéresser au coût social des affections et accidents liés au sport, qu’il s’agisse des soins immédiats, des arrêts de travail ou de la prise en charge de leurs conséquences à long terme, pathologies induites et invalidités.